Le sens du projet : passer d’une réaction immédiate à une philosophie éducative

Sur de nombreux sites, la réflexion autour de la jeunesse naît de demandes exprimées, mais pas toujours verbalisées, par la jeunesse elle-même. Dans beaucoup d’autres cas, on engage une réflexion pour gérer une situation tendue, des dégradations, l’oisiveté des jeunes : il faudrait agir vite, et être efficace à court terme !

Mais au delà d’une réponse ponctuelle à une demande exprimée, le projet de politique jeunesse porte un sens éducatif et politique, et se voit engagé sur du long terme. Élaboré par l’association, la municipalité, la communauté de communes, le projet définit d’abord les valeurs éducatives et les finalités poursuivies par les acteurs locaux. Naîtront ensuite un projet éducatif, des modalités pédagogiques, puis la mise en œuvre. Et ce projet éducatif, à la différence d’une réalisation technique (un rond point par exemple), sera à repenser régulièrement (éviter de tourner en rond). Il ne peut exister sans une volonté politique forte.

La majorité des sites rencontrés initient leur démarche de projet par la réalisation d’un diagnostic. Par une analyse documentaire et statistique, des enquêtes, et surtout des rencontres avec les jeunes et leurs parents, les acteurs locaux recueillent et analysent la situation, les attentes de la population et les enjeux éducatifs qui se posent sur le territoire local (quartier, commune, communauté de communes). Les décideurs locaux s’engagent dans le projet dès la partie diagnostic, en validant le questionnement et les conclusions. Il est parfois recommandé d’associer les compétences d’une fédération d’éducation populaire, ou d’un prestataire spécialisé, pour animer et partager ce travail de diagnostic, puis le traduire en projet éducatif.

Une aide technique peut être apportée par les services de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale, de la Caisse d’Allocations Familiales ou de la Mutualité Sociale Agricole. Vous trouverez une liste des nombreuses ressources disponibles pour vous aider, à la fin de ce document.
Lorsqu’il existe un professionnel ou une équipe, ils rédigent un projet pédagogique dans lequel seront déclinées les modalités d’actions concrètes en lien avec les objectifs. Dans certains cas, les élus mais aussi les jeunes et leurs parents peuvent intervenir dans cette réflexion. Le projet pédagogique permet, par des activités et une pédagogie appliquée, de concrétiser les valeurs défendues dans le projet éducatif du territoire, et de s’approcher des objectifs fixés. Il est à évaluer régulièrement de façon quantitative et qualitative.

Ce projet pourra se décliner de différentes manières, et se concrétiser à travers des espaces de rencontres. Très fréquemment un lieu d’accueil est proposé, lequel peut être déclaré en préalable auprès de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale s’il s’agit d’un accueil de loisirs de mineurs. On pourra également promouvoir la découverte d’activités sportives et culturelles, l’accompagnement de projets initiés avec les jeunes, ou bien encore la présence sociale / animation de rue. L’objectif général est d’aider localement les populations jeunes à construire leur trajectoire de vie et à prendre des responsabilités collectives dans la cité, en dehors de l’abribus, du café ou des réseaux sociaux numériques.

Certains acteurs prennent une place prépondérante dans la création d’une politique jeunesse. Les premiers d’entre eux sont les élus (municipaux ou intercommunaux) qui doivent impérativement affirmer une volonté politique, et la faire partager par leurs autres collègues élus. Dans certains cas, ce sont les associations (bien souvent d’éducation populaire, parfois de parents), les jeunes eux-mêmes, ou encore les professionnels qui sont à l’origine du projet.

A l’échelle de la commune ou du quartier, il est souhaitable que le projet s’intègre dans une démarche de complémentarité avec les autres espaces éducatifs que sont le collège, le lycée, les établissements professionnels, la famille, les associations sportives ou culturelles. Il s’agit alors de coéducation.

Des liens sont également à rechercher avec les espaces publics fréquentés par les jeunes, les espaces sportifs, les plateaux multisports : la présence sociale ou les pratiques d’animation de rue se développent ces dernières années.

Enfin, l’animation en direction des adolescents et des jeunes adultes ne se cantonne pas à la sphère des loisirs mais tisse des liens avec d’autres acteurs essentiels au bien être et à la socialisation des personnes : la mission locale (ou ses permanences), les points accueil emploi, les réseaux d’employeurs (forums, emplois saisonniers, stages…), les points information jeunesse, les travailleurs sociaux du département, les acteurs du logement (foyers de jeunes travailleurs) ou de la santé (centre médico-psychologique, maison des adolescents, lieux d’écoute…).

La naissance d’une politique jeunesse est le fruit des interactions entre ces différentes sphères. Les prémisses résident souvent dans une interaction entre les élus et les jeunes, quelquefois avec des foyers autogérés par les jeunes… Au bout d’un certain temps, la situation évolue et les responsables municipaux jugent nécessaire de faire appel à des professionnels jeunesse (par la mobilisation d’une fédération d’éducation populaire ou par l’embauche d’un animateur), ce qui est fortement conseillé.

On doit insister sur la dimension participative d’un tel projet et sur la nécessité de chercher un équilibre entre une offre de services (qui répondra à une demande parfois exponentielle…) et la mobilisation de la communauté éducative locale (partage de responsabilités), y compris des parents.

Un des effets des politiques de jeunesse sur les territoires est la mobilisation citoyenne. Un des enjeux de
Politiques de Jeunesses en milieu rural, Maine-et-Loire – 2014 – Page 31 l’action conduite avec ou en direction des adolescents et des jeunes adultes est bien de faciliter leur participation à la vie publique locale, surtout à une époque et dans un contexte (péri urbain) où le repli sur la sphère privée menace le dynamisme démocratique. On facilitera donc les échanges et le partage entre les adolescents/jeunes, d’une part, et les associations ou les collectifs qui structurent des services ou des évènements locaux, d’autre part.

Il convient de veiller à ne pas replier la génération sur elle-même, mais à structurer une politique de jeunesse qui s’inscrit dans la chaîne des générations. Si la dimension « intergénérationnelle » évoque spontanément le troisième (retraités) et le quatrième âge (personnes âgées dépendantes), on veillera pourtant à faciliter les échanges, les rencontres, les solidarités entre les jeunes adultes et la génération de leurs parents. Même si légalement les parents ont délégué une responsabilité concernant leur enfant mineur, même si les jeunes majeurs sont légalement responsables, il importe de valoriser les jeunes, leurs activités, leurs propositions, notamment pour ce qui concerne les jeunes les plus fragiles socialement, qui souffrent fréquemment d’un manque de reconnaissance.